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Les changements climatiques impactent tous les composants du système Terre, y compris les forêts. Pour préparer la forêt à ces nouveaux défis, les stratégies de gestion doivent être adaptées dès à présent. Parmi celles-ci, le recours aux forêts mélangées constitue une option intéressante.

L’augmentation attendue de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, par exemple, suite aux changements climatiques suscite beaucoup d’inquiétude chez les décideurs, les propriétaires et les gestionnaires par ses impacts possibles sur la forêt européenne.

Le recours aux peuplements mélangés figure en bonne place dans la liste des mesures envisagées pour réduire les effets négatifs de ces stress. Associer plusieurs espèces offre en effet la possibilité de répartir les risques, d’utiliser les ressources nutritives de manière complémentaire, ou encore de profiter de leurs sensibilités différentes aux aléas.

Mais dans quelles conditions le mélange d’espèces permet-il de réduire l’exposition des arbres à une sécheresse ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes penchés sur la manière avec laquelle les effets du mélange sur la résistance à la sécheresse changent dans le temps et dans l’espace pour un couple d’espèces largement représentées à l’échelle européenne : le hêtre et le pin sylvestre.

Sur de nombreux sites d’études couvrant une grande diversité de climats à travers l’Europe, nous avons mesuré un indicateur d’efficacité d’utilisation de l’eau par les arbres (révélateur du stress qu’ils subissent lorsque cette ressource vient à manquer) en analysant la composition chimique du bois formé annuellement sur une période de 20 ans.

L’étude des peuplements purs, constitués d’une seule espèce, montre que le hêtre et le pin sylvestre utilisent l’eau de manière contrastée, le hêtre étant beaucoup moins parcimonieux. De ce fait, il est possible qu’en associant les deux espèces dans un même peuplement, le fonctionnement de chacune soit modifié par la présence de l’autre.

Il apparaît que, si le mélange d’espèces est, en moyenne, bénéfique pour le hêtre, c’est l’inverse pour le pin sylvestre. L’effet du mélange dépend toutefois fortement de la disponibilité locale en eau.

Si l’effet est positif pour les deux espèces dans les sites secs, aucun effet du mélange n’est mis en évidence lorsque le niveau de sécheresse dépasse un certain seuil.

Dans les sites bien pourvus en eau, en revanche, l’effet du mélange est le plus souvent positif pour le hêtre et défavorable au pin, reflétant la forte concurrence exercée par le hêtre dans ces conditions.

En cas d’épisodes de sécheresse ponctuels, le mélange n’améliore pas de manière systématique la résistance du peuplement : en effet, si dans certaines situations le mélange peut diminuer le niveau de stress observé, dans d’autres l’effet inverse est observé.

Ces résultats montrent que les effets du mélange sur la disponibilité en eau dépendent finement du contexte. Même si le mélange ne doit pas être vu comme un remède miracle face aux défis auxquels la forêt européenne sera confrontée, il s’agit d’une stratégie de gestion intéressante qui permet d’améliorer les performances des peuplements dans certaines circonstances et qui doit être envisagée en complément d’autres approches. ◆

Chercheur : Géraud de Streel (UCLouvain)
Encadrement scientifique : Quentin Ponette (UCLouvain), Damien Bonal, Catherine Collet (INRA)